Bricolages historiques

Autres pages concernant Villefagnan

La politique parfois, l'idéologie, et l'époque, peuvent offrir de curieux détours à l'histoire. Il en va ainsi avec l'histoire enseignée par l'église. Jusqu'à 1870, dans les écoles communales, on faisait remonter  l'histoire de France au premier roi de France baptisé : Clovis. Puis après l'institution de la IIIe République, on remonta au brave et vaillant Vercingétorix, résistant de la première heure contre l'envahisseur.
Aux mêmes on racontait des histoires de Loup-Garous : 
 


Lorsque fut inaugurée la ligne de chemin de fer de Niort à Ruffec passant par Villefagnan, ce fut l'occasion de signaler pour certains journalistes de bord politique contraire à celui de la municipalité de Villefagnan, l'origine du nom de cette localité puisé dans la boue éternelle de ses rues : Villefagnan ville fagnouse. On sait bien que c'était le lot de tous les villages, et que le mot fagne était d'origine récente, tiré de l'ancien germain et introduit en France au XIIIe siècle.



Une chanson en 1908, drôle de défilé, on s'avait s'amuser : deux pages !
Page 1.
http://villefagnan.wifeo.com/documents/villefagnan_cavalcade1908_1.pdf

Page 2. http://villefagnan.wifeo.com/documents/villefagnan_cavalcade1908_2.pdf

Tout souterrain mène en ville (sûr et certain)
Villefagnan (publié dans les Etudes locales en décembre 1928)

A Villefagnan, il existait trois souterrains partant de chez M. Proux : l'un allant à un petit village, la Ferté, situé à 2 kil. 500 de Villefagnan, côté nord; le deuxième se dirigeant du côté sud-est et allant à Raix (commune limitrophe) ; le troisième se dirige du côté du sud-est et va à Villetizon, situé à 2 km. de Villefagnan. Un trésor serait, dit-on, enfoui vers l'entrée de ce souterrain.
Un dolmen situé à Villefagnan a été détruit et enlevé pour construire la gare. On y a trouvé des squelettes, des armes en pierre, des vases, etc.
Un autre dolmen, situé à Villefagnan, dans le champ de M. Poitevi, a été enlevé pour faciliter la culture. On y a trouvé des cadavres et des poignards, des vases.
Louis Marboeuf, instituteur à Villefagnan.

A cause de la boue...
Villefagnan (publié dans les Etudes locales en 1937)
Villefagnan, à 42 kilomètres au nord d'Angoulême, est un gros bourg bâti clans une plaine, au point de jonction de routes importantes.
A cause de la boue de ses mauvais chemins en hiver, les paysans lui donnaient en patois le nom de «Ville-Fagnouse».
Le sol des environs appartient au jurassique inférieur et est formé d'un calcaire marneux qui en se décomposant donne une terre argileuse rougeâtre : c'est la groie qui, l'hiver, fait pâte avec l'eau et rend les chemins impraticables. Dépourvu de cours d'eau, ne possédant que quelques bons puits, ce canton, jadis peu fertile, mal cultivé, semé de landes, est aujourd'hui très productif, surtout en céréales. Il doit principalement sa richesse agricole à la création dé prairies artificielles et à l'impulsion donnée à cette culture par le comte de Broglie, jadis propriétaire de la terre de Ruffec (1).
Depuis cette époque, les landes sont devenues de riches prairies, et les habitants ont pu se livrer à l'élevage des vaches laitières, des chèvres et surtout des mulets destinés au marché espagnol.
Au temps de la chasse, nombreux sont les lièvres, les perdreaux et les cailles, et nombreux sont aussi les chasseurs dans la commune.

Dans les jardins et les vergers, on rencontre le pommier, le poirier, le cerisier, le prunier, le pêcher, l'abricotier, sur le bord des chemins le noyer et dans les bois quelques châtaigniers. On cultive peu la vigne, le vin récolté suffit à peine à la consommation. La culture des céréales est importante, surtout celle de l'avoine; on trouve également du blé, un peu de seigle et de l'orge.
Assez importante aussi est la culture du maïs, que l'on récolte en octobre. Le sol convient très bien à la pomme de terre, et l'on cultive des légumineuses : pois, haricots, fèves, de très bonne qualité.
Avec les vieilles fileuses s'est éteinte dans cette région la culture du chanvre.
Les foires sont de moins en moins suivies ; autrefois elles étaient très renommées. Les voies de communication sont commodes, Villefagnan est situé au carrefour de deux routes départementales : Ruffec-Chef-Boulonne et Aigre-Sauzé-Vaussais, en même temps, que desservi par la voie ferrée Ruffec-Niort.
Le bourg, assez bien construit, possède de vieilles maisons, couvertes de tuiles creuses. Aux environs immédiats, on aperçoit, caché derrière un bouquet d'arbres, le château de la Cantinolière, en partie habité par des fermiers.
A la Ferté, un petit village de la commune, à deux kilomètres de la ville, subsiste encore un ancien château en ruines : une vieille tour complètement couverte de lierre et quelques bâtiments transformés pour les besoins de l'agriculture. Un souterrain, dont une partie est maintenant comblée, reliait ce château à Villefagnan et à un village voisin (2).
A Villefagnan, deux vieilles tours maintenant habitées marquaient sans doute l'entrée de la ville, ou peut-être sont-elles aussi les restes de quelque ancien château (3).
Une église et un temple protestant permettent la pratique des deux cultes ; la population, quoique assez peu religieuse, est surtout catholique.
L'église date de la Renaissance, mais n'a rien de monumental ou de remarquable : la façade est très modeste et le clocher peu élevé.
Le temple protestant, construit au moment des guerres de religion, aurait plutôt l'aspect d'une église avec ses deux clochers hexagonaux, et son portail surélevé par quelques marches d'escalier.
Les habitants, à part quelques commerçants de la ville, parlent un patois qui est surtout une déformation du français et qui contient, en outre des traces de patois poitevin et saintongeais.
Ainsi cette région, bien que peu favorisée au point de vue de l'hydrographie, est tout de même agréable, et si l'on n'y rencontre pas, comme en quelques beaux sites charentais, des vallées verdoyantes, on y trouve malgré tout un climat favorable et un sol fertile qui font la richesse du pays.
POURAGEAUD et GALLOIS.
Ecole Normale 1932.

(1) Nos deux garnements ignorent l'histoire du sainfoin introduit en 1685 à Villefagnan et l'origine de l'élevage des mulets.
(2) Forcément, si Raymond Proust voyait ça, il leur tirerait les oreilles. Le drame c'est que tous leurs contemporains et futurs élèves les ont cru !
(3) Grave lacune de ne pas en avoir dit deux mots.

 

D'autres, plus récemment, ont pubié sans souci de vérité.
Relevé dans Le PICTON n°118 de juillet août 1996 pages 41, 42 et 43.
Lecteur assidu du Picton, je possède tous les numéros. Mais il arrive que de sournoises  anomalies s'insèrent dans les articles, lire compléments en rouge. Cela n'enlève rien à l'intérêt de cet article, qui lui bien entendu ne relève pas du bricolage, article fondamental à plus d'un titre, et dont je remercie les auteurs.
 

 
Les foires et marchés de Villefagnan (Charente) avant 1789
L’auteur a découvert parmi des papiers éparpillés dans le grenier de l'un de ses cousins, décédé, à Villefagnan, où il avait passé toute sa vie, quelques feuillets sur lesquels étaient consignés des renseignements sur l'histoire de ce chef-lieu de canton. Il lui a paru intéressant de les mettre en ordre et de les compléter afin de faire revivre un aspect du passé.
Il s'agit d'étudier l'histoire des foires et des marchés depuis leur création jusqu'à la Révolution de 1789, dans un bourg de l'Angoumois actuellement chef-lieu de canton du département de la Charente et peuplé d'environ 1000 habitants. Mais auparavant il convient de situer Villefagnan géographiquement et également de donner au lecteur quelques brèves notions historiques sur l'histoire générale des foires et des marchés.


Situation de Villefagnan
«Villa Faniacus in vicaria Rufiaco pagus Briocencis» (Villa Faniacus dans la viguerie de Ruffec, du pagus de Brioux). Telle est la désignation à la fin du Xe siècle - «Villa Faniam» à la fin du XIe siècle - «Villa Lutosa» au milieu du XIIIe siècle. Cette dernière toponymie, tellement différente nous surprend. Selon M. Beauchet Filleau, on voit dans cette manière d'écrire le nom du bourg, l'influence que le langage usuel exerçait déjà sur l'orthographe des noms de lieu. Le scribe du XIIIe siècle, nous explique cet historien, ne se préoccupe pas du nom primitif, tout entier à l'impression produite à son oreille par la prononciation du mot «Vil Fanian», ou même déjà «Villefagnan» ; par l'intercalaire de la lettre «g» et il traduit le mot de langue vulgaire dans le sens latin : «Villa Lutosa» ville boueuse ; littéralement «Villefagnouse» car en patois du pays, boue signifie fagne» (1)
Remarque 1 : fagne est originaire du vieux germain, mot apparu après le XIIIe siècle. De plus, dans VILLEFAIGNAN, mettre un I avant le GN était la règle avant la fin du XVIIIe siècle. Chacun semble oublier le terme fayan (hêtre) qui donne
souvent un nom à un lieu ou un village : La Faye, Fayolle, etc. Et pourquoi pas Villa Fayan dont serait dérivé Villefagnan.

Sous l'Ancien Régime ce bourg occupa longtemps une situation excellente car la grande route de la Poste le traversait, venant de Poitiers par Chaunay, Sauzé-vaussais, Bannières et Villiers le Roux («Villaris latronorum» -Villa des voleurs) et se dirigeant vers Aigre, Châteauneuf-sur-Charente et Barbezieux. C'était la source d'un important trafic commercial dont bénéficiait Villefagnan qui, au surplus était doté d'un relais de Poste (non pas à Villiers mais à Bannière de Montjean).
Voilà pour l'étymologie.
Remarque 2 : latronum, Villiers le larron ne veut pas dire village de voleurs, ne pas oublier en Charente-Maritime "Villiers le larron Couture" (devenu Villiers-Couture en 1790). Ces larrons, ne sont pas les habitants de ces paroisses, mais ssont dédiés aux larrons, le bon et le mauvais, cloués sur une croix, de part et d'autre de celle de Jésus.


De surcroît, Villefagnan était placée à cheval sur les deux Provinces de l'Angoumois et du Poitou, la route servant de démarcation.
Remarque 3 : Faux, je suis désolé ! La limite entre les provinces du Poitou et d'Angoumois est floue, certes, mais il existe suffisamment de textes attestant mes dires. Cette erreur se répète. La démarcation se faisait du nord au sud en suivant la route de Paris en Espagne; l’Est relevait du seigneur de Raix (voir dénombrements) et l’Ouest de l’évêque de Poitiers en partie en tant que seigneur mais il ne possédait plus le temporel depuis 1300 environ pour l’avoir échangé contre la seigneurie d’Angles sur l’Anglin (Vienne). La paroisse de Villefagnan, en partie, était une annexe poitevine car propriété de l’évêché de Poitiers. C’était une possession de l’église au même titre que Courcôme, annexe de la Saintonge.
La partie qui suit est à lire minutieusement.
La partie Est appartenait à l'Angoumois, relevait de Ruffec (Raix, Ruffec et Angoulême) pour la justice, d'Angoulême pour les finances et de Limoges en ce qui concernait l'administration civile de l'intendant (parce que L’Angoumois faisait partie de la généralité de Limoges).
Quant à la partie Ouest du bourg, la plus peuplée, elle comportait, outre l'église sous le vocable de saint Pierre, et les maisons qui l'entouraient; 5 maisons à Fondoume, la Goupillère, et également 3 maisons et un moulin à Fontegrive (2). (Ne pas oublier la Cantinolière dont une grande partie du village et de la paroisse ouest relevait.)
Elle formait une baronnie avec haute justice et relevait de Poitiers (oui pour le civil au travers du tribunal de Villefagnan affermé à un juge par l'évêque de Poitiers, mais pas pour le criminel : la preuve est que les protestants (et d’autres histoires) étaient jugés au présidial d’Angoulême), le seigneur temporel étant l'évêque de cette ville. Mais sur le plan religieux, le territoire de notre bourg formait une unité ; la paroisse Saint-Pierre (aux liens) de Villefagnan qui dépendait de Ruffec, chef-lieu d'un archiprêtré relevant du diocèse de Poitiers. (A noter le rôle plus que symbolique des archiprêtrés.)
Et voilà un bel exemple de la complexité de l'organisation administrative et religieuse de la France d'Ancien Régime !

Ajoutons que la Saintonge l'avoisinait et qu'en plus un bourg assez important, Courcôme, distant d'un peu plus d'une lieue au sud-est, constituait une enclave saintongeaise. C'est dire que la situation économique de Villefagnan, bourg situé (presque) au carrefour de trois provinces, (on est encore loin de la Saintonge car pour ce qui est de Courcôme, les affaires étaient jugées à Angoulême et un compte-rendu adressé à La Rochelle parfois. D’ailleurs, Courcôme comme Villefagnan relevaient du Marquisat de Ruffec dès le XVIIe.) pouvait être excellente à la condition que l'on veuille s'en occuper et qu'il était tout à fait normal d'y organiser des foires et des marchés, lieux de rencontres et d'échanges entre les populations avoisinantes.

II) Les foires dans l'Ancienne France
Aux environs de Xe siècle à la suite des invasions et des raids des pillards les paysans se groupent autour du château ou de la maison forte de leur seigneur afin d'être protégés par lui et également afin de se prêter mutuellement main-forte (les habitants de Villefagnan qui relèvaient de Raix venaient se protéger à Raix). Pour ce faire, ils construisent des villages agglomérés et en même temps que s'installent ces villages, la fin de la période carolingienne donne le branle à un renouveau du mouvement urbain : des centres urbains, certes modestes, vont peu à peu surgir et les bourgs vont s'organiser en général autour de l'église paroissiale (qui est souvent l'ancienne chapelle privée du seigneur). Ce rassemblement d'êtres humains va donner naissance à des marchés, ou à des foires de caractère moins fréquent et plus important, qui vont permettre l'échange, entre habitants d'une même circonscription, des marchandises, du bétail ou de produits du sol et aussi de quelques productions artisanales locales.
On ne possède pas de documents valables sur la période médiévale à ce sujet. Certes il est tout à fait vraisemblable que les habitants des domaines voisins se réunissaient au bourg de temps à autre et y apportaient quelques denrées ou quelques têtes de bétail à vendre. L'on sait qu'à Gourville, dans la même région, il existait une foire dès le XIIIe siècle et qu'au XIIe siècle les foires étaient florissantes en Poitou, Saintonge et Angoumois, mais que par la suite, divers événements tels que guerres, disettes, courants commerciaux différents les avaient fait presque totalement disparaître.


III) Les foires et marchés de Villefagnan
Certaines de ces foires vont prendre une importance considérable, même sur le plan international, telles celles des Flandres ou de Champagne, ou encore la foire du Lendit près de Paris, en juin, qui attirait de grandes foules venant non seulement des différentes régions de France, mais aussi de pays étrangers et nombreux étaient les marchands italiens, catalans, allemands ou provençaux. Bien sûr, les foires de Villefagnan n'atteignaient pas, tant s'en faut, ces sommets, mais eurent le mérite de réunir à dates fixes, des marchandises et des habitants venant d'un rayon de 15 à 20 kilomètres.
Les foires de Villefagnan naquirent officiellement en octobre 1591 par lettres patentes du roi Charles IX et cela grâce à l'intervention de Jean d'Amoncourt, évêque de Poitiers de 1551 à 1559, donc seigneur temporel de Villefagnan, très apprécié à la Cour au point d'avoir été nommé en qualité d'aumônier ordinaire du jeune Charles IX. Il jouissait d'un grand crédit auprès de Catherine de Médicis et l'intéressa à «la décoration, accroissement et augmentation du lieu dit de Villefagnan».
Afin de réaliser cet objectif, qui devait permettre à Villefagnan de rivaliser avec des villes voisines, telles Mansle, Nersac, Angoulême... les lettres patentes «portaient établissement de six foires par an à Villefagnan et le marché tous les vendredis».

Le texte est trop long (3) pour que nous puissions dans le cadre de cet article le citer intégralement ; nous nous bornerons donc à présenter quelques extraits «... ayant égard qu'il (ledit lieu de Villefagnan) est habité en peuple de gens et maisons situées en pays fertile où affluent, passent et repassent ordinairement plusieurs marchands et autres personnes...».
Lesdites foires devaient être tenues «toujours perpétuellement, la première, le jour de la Saint-Michel, la deuxième au jour de la chaire de Saint Pierre en février, la troisième le mardi des fériés de Pâques; la quatrième au jour de la Saint-Pierre en juin, la cinquième au jour de la Saint Pierre en août ; la sixième et dernière au jour de la Saint-Martin en novembre. Le dit marché, le jour du vendredi pour chaque semaine».
Le roi précise très exactement comme suit, le but de ces foires et marchés : «auxquels foires et marchés, nous voulons que tous marchands puissent aller et venir librement; vendre, troquer ou échanger toutes sortes de marchandises et denrées licites, jouir et user de tels et semblables droits, privilèges, franchises et libertés qu'il est accoutumé faire les autres foires de notre royaume pourvu toutefois que quatre lieues à l'entour du dit lieu n'y ait autres foires et marchés auxquelles ces présentes puissent nuire ou préjudicier."
Voilà une bonne synthèse de ce que doit être la liberté du commerce et le principe d'une saine concurrence.
Ce document royal se termine par une injonction au Sénéchal de Poitou et à tous autres justiciers et officiers de laisser eu égard au contenu ci-dessus «les habitants du lieu-dit et les marchands et ceux qui fréquentent ces foires et marchés, en jouir et user pleinement et paisiblement sans leur causer le moindre trouble ou vexation».

Ces lettres patentes devaient être publiées «à son de trompe et en public» dans les villes, bourgs et villages des environs et il était précisé «in fine» qu'il convenait que les autorités locales fassent construire les halles, bancs et «étaux» qui paraissaient nécessaires.
Nous sommes au 16e siècle, siècle riche en transformations dans tous les domaines et notamment dans celui de la renaissance du commerce grâce aux foires ; malheureusement, cette heureuse période va être bouleversée, en particulier dans l'ouest et le sud-ouest de notre pays, à la suite de troubles graves nés de la répression royale à l'encontre du protestantisme et des guerres dites «de religion» entre 1562 et 1598.
Sur ces six foires ainsi créées, trois avaient lieu lors des fêtes principales de saint Pierre, patron de la paroisse.

Ces dates furent changées pour des raisons qui nous restent inconnues et, à la fin du 18e siècle elles se tiennent les 16 janvier, 16 mars, 16 mai, 16 juillet, 16 septembre et 16 décembre.
Malheureusement ces foires furent atteintes, par un très net fléchissement des échanges, dû, en particulier à l'état tout à fait déplorable dans lequel se trouvaient les chemins autour de Villefagnan. Ce n'était pas un état anormal à cette époque, et l'on retrouve le même phénomène en ce qui concerne les foires de Sauzé-Vaussais, bourg situé en Poitou à environ 5 lieues au nord de Villefagnan.
La situation était telle que le 2 novembre 1683, l'Intendant du Poitou, Lamoignon de Bâville écrivait en ces termes à le Pelletier de Morfontaigne contrôleur général des finances qui venait de succéder à Colbert : «Après avoir fait plusieurs visites dans cette province, j'ai cru que l'on ne pouvait rien entreprendre de plus utile pour faciliter et augmenter le commerce que de rétablir les chemins qui sont très mauvais et empêchent que les foires et marchés ne soient aussi fréquentés qu'ils pourraient être. C'est un bien que tout le monde souhaite également et qui ne coûtera rien au Roi, car les paroisses y travailleront avec plaisir...» D'où l'utilité de la corvée..
.
Une lettre de commission fut délivrée à Nicolas Poitevin pour qu'il effectue les réparations nécessaires sur le territoire de Villefagnan, et, en 1684 l'intendant rendait compte au roi des travaux effectués, notamment sur la route de Bordeaux qui passait alors par Villefagnan.
Malheureusement ces améliorations ne suffirent pas à atténuer le déclin des foires, et au cours du 18e siècle, elles dirent une grande partie de leur ancienne utilité car les échanges devinrent exclusivement agricoles, se limitant aux productions du sol et au bétail. (En 1768, le seigneur de Raix obtient des lettres patentes pour tenir une foire mensuelle, foires qui devinrent vite très prospères. Pourtant, le déclin des foires à foires à Villefagnan au XVIIIe est bien réel et prouvé, sans doute avec le déplacement de la route de Paris en Espagne vers Ruffec).
Les raisons de ce déclin sont diverses. La première réside dans le fait que les progrès du commerce et les améliorations des voies de communication vont permettre des échanges permanents et non plus seulement ponctuels entre villes et campagnes. La seconde raison vient de la prise de position de certains économistes et notamment des physiocrates et de Turgot qui, dans son article de l'Encyclopédie intitulé: «Foires et marchés» estime que ce n'est pas une grande masse de commerce, rassemblée en un seul lieu et en un seul moment qui importe, mais que ce qui compte c'est un courant d'échanges continus et universels. Son édit de septembre 1774 ordonnant la libre circulation des grains à travers le royaume a eu comme conséquence principale de diminuer l'importance des foires dans la mesure où il autorisait le libre commerce, et à domicile, des farines.
Les populations, notamment provinciales, n'appréciaient guère ce libéralisme, redoutant viscéralement la famine et les spéculateurs dont elles avaient eu autrefois tant à souffrir, aussi approuvèrent-elles Necker lorsqu'il eut succédé à Turgot comme directeur général des finances de rétablir par un édit de 1778 les anciennes restrictions et d'exiger que le commerce des grains se déroule dans un endroit déterminé afin d'y être contrôlé et d'éviter ainsi les manœuvres spéculatives.
Cette disposition va avoir un double effet à Villefagnan : la renaissance des foires et la construction (reconstruction de halles publiques pour la ènième fois, lire à la fin de cette histoire l'article publié en 2006) de halles publiques.
C'est ainsi que nous trouvons dans le numéro du 8 janvier 1778 des «Affiches du Poitou» la lettre adressée par un habitant de Villefagnan dont nous reproduisons ci-après des extraits :

«Il existait, ici, anciennement, des halles qui, depuis, sont tombées en ruines et qu'on avait négligé de réédifier. Enfin le zèle de l'intérêt public s'est emparé de plusieurs cœurs.
On a demandé à M. l'Evêque de Poitiers seigneur de ce lieu, un terrain propre à construire des halles, ce qu'il a bien voulu accorder avec cet empressement louable et qui est digne de reconnaissance.
Cet ouvrage est achevé de sorte que nous pouvons espérer que nos foires vont reprendre leur ancienne faveur.
Je vous prie Monsieur, de les annoncer dans votre feuille et d'en faire indiquer les époques dans l'almanach de la Province.
La position de ce lieu permet du succès ; il est peuplé, bien environné et près de Ruffec. On recueille assez avantageusement plusieurs productions de la terre parce qu'on y est laborieux, ce qui mérite estime et encouragement...
Une branche de l'industrie de nos habitants et de la fécondité des terres est celle de la culture du safran à laquelle on se livre volontiers et qui peut devenir importante si on veut la favoriser...
».

Cette reprise des foires et des marchés à Villefagnan, favorisée par les nouvelles halles et par un mouvement économique général, survécut aux troubles révolutionnaires et aux conscriptions de l'Empire.
François Boutet et Octave Poitevin
Notes
1-Beauchet Filleau-1885-De Ruffec à Niort en chemin de fer.
2 -Alexis Favreaud-1898-Notes rétrospectives sur Ruffec et ses environs.
3 -Archives départementales de la Vienne: G 124.
4 -II s'agit de Martial-Louis de Beaupoil de St Aulaire nommé évêque de Poitiers en 1759 et qui occupa ce siège épiscopal jusqu'à la Révolution. Il fut remplacé en 1791 par René Lecesve premier évêque constitutionnel de la Vienne.

AD 16 B1 991 (2)
SENECHAUSSE ET PRESIDIAL D’ANGOUMOIS
EMBUSCADE A VILLEFAGNAN
3 avril 1659
Plainte de Jacques TARTAS, sieur de la Gibaudrye, disant que lundi dernier, dernier jour de mars, le sieur du Marchis, son père, lui ayant commandé d’aller du Breuil au Vigier, où ils demeurent, au Bourg de Villefagnan pour quelques affaires.
Le suppliant ayant fait rencontre sur le midi de GIRARDIN, sieur de Mongazon, habitant à Villefagnan, avec lequel il serait allé au bourg de Saint-Fraigne pour demander quelque argent au greffier dudit lieu qui le doit au père du suppliant.
Lequel serait retourné avec ledit Girardin au bourg de Villefagnan, où ledit Girardin l’aurait prié à souper au logis du Lion d’Or. Et comme ils étaient à table, seraient venus en la chambre où ils soupaient, Daniel et Pierre POITEVIN, sieurs de LOUBEAU et de LESPINIERE, frères, enfants du maître de la poste de Villefagnan, et Jacques MAROT dit DESNOUHIERS.
D’abord qu’ils eurent aperçu le suppliant, ils lui dirent quelques paroles puantes avec des morgues et grimaces insupportables. Et s’adressant à GIRARDIN, lui dirent qu’ils voulaient souper avec lui, lequel répondit qu’il connaissait bien le dessein qu’ils avaient de maltraiter le suppliant et qu’il y avait d’autres chambres où ils pourraient se retirer pour y souper.
Et lesdits POITEVIN et MAROT ayant prié l’hôtesse de leur donner du vin, ils se mirent à l’autre bout de la même table, et continuant leurs grimaces, burent le vin qu’on leur avait apporté. Et étant sortis du logis, une demi-heure de nuit, furent tous trois attendre sur le grand chemin le suppliant par où il devait passer pour se retirer chez le sieur BOUHIER, apothicaire.
Etant environ neuf heures du soir, il les rencontra armés de chacun une épée, cachés à mi-coin du chemin qui sépare la province du Poitou et d’Angoumois, proche de 30 pas de la maison dudit BOUHIER, en Angoumois. Il reçoit un coup d’épée par le derrière. Il s’écrie : Girardin et autres personnes accourent, mais ils le poursuivent jusque chez le BOUHIER.

10 avril 1659
Information faite par le juge de Ruffec
.


A droite, les halles (de 1868) et près du puits la locomobile qui entrainait une batteuse.

De nouvelles halles tous les siècles (Article publié dans la presse locale en 2006)
Avant qu’elles ne fussent élevées en pierre pour l’éternité… les halles du marché de Villefagnan étaient en bois. Tous les cent ans, il fallait les reconstruire.
En octobre 1591, à la demande de l’évêque de Poitiers, seigneur de Villefagnan, six foires annuelles (le champ de foire se tenait au cimetière) et un marché le vendredi ont été institués par lettres patentes du roi Charles IX.
Des halles furent érigées. Mais en 1700, déjà, elles étaient à reconstruire : il fallut 38 piliers de bois, hauts de 4 mètres, reposant sur des massifs de pierre de taille hauts de 33 centimètres. Une face du hangar s’étirait sur 16 mètres, l’autre sur 22 mètres. Le travail et les fournitures s’évaluaient à 1918 livres et 12 sols.
En 1778, de nouvelles halles sont édifiées, l’initiative de quelques habitants autorisés par l’évêque afin de relancer les foires.
En 1868, la commune fait élever un bâtiment en maçonnerie pour remplacer «les encombrantes halles en bois ouvertes aux quatre vents». Outre le marché ou la batteuse à grain, ces nouvelles halles ont accueilli nombre de bals et banquets avant que la commune n’investisse dans une salle des fêtes en 1974.
A l’étage des halles, en 1981, s’est installé le musée rural. Puis au milieu des années 1990, d’importants travaux ont permis de rafraîchir ce «monument» et d’installer des stalles pour les commerçants du marché.
Quelques manifestations s’y déroulent encore à l’occasion des marchés à thème et le bureau du tourisme s’y installe en juillet et août.
Cette année, les fenêtres de l’étage vont être remplacées. Un entretien régulier de ce bel élément du patrimoine permettra de le maintenir encore un siècle, avec à la clé de précieuses économies.


AFFICHES DU POITOU
Jeudi 8 janvier 1778 (Vue 3/29)
De Villefagnan, le 21 décembre
J’aime à voir, Monsieur, les hommes chercher à se rendre utiles les uns aux autres, en s’occupant des établissements qui peuvent produire l’avantage commun. Il existait ici anciennement des halles, qui depuis sont tombées en ruines, & qu’on avait négligé de réédifier. Enfin le zèle de l’intérêt public s’est emparé de plusieurs cœurs. On a demandé à M. l’évêque de Poitiers, seigneur de ce lieu, un terrain propre à construire des halles, ce qu’il a bien voulu accorder avec cet empressement louable qui concourt au bien social, & qui est si digne de reconnaissance. Cet ouvrage est achevé ; de sorte que nous pouvons espérer que nos foires vont reprendre leur ancienne faveur. Je vous prie, Monsieur, de les annoncer dans votre feuille, & d’en faire indiquer les époques dans l’Almanach de la Province. (Elles y sont marquées). La position de ce lieu leur promet du succès, il est peuplé, bien environné près de Ruffec. On recueille assez avantageusement plusieurs productions de la terre, parce qu’on y est laborieux ce qui mérite estime & encouragement : car la prospérité, pour s’étendre & devenir générale, afin de faire le bien public, a besoin d’avoir tous les moyens qui peuvent la servir. Une branche de l’industrie de nos habitants, & de la fécondité de nos terres ; est celle de la culture du safran., à laquelle on se livre volontiers, & qui peut devenir importante, si on veut la favoriser. La contrée doit beaucoup en tout point à MM. BRUMAULD des HOULERES, et BOUQUET du COULOMBIER, juge et procureur fiscal de cette terre. Ils appliquent constamment leur zèle à tout ce qui peut être utile. Il faut nommer & toujours louer les bons citoyens, parce que la meilleure exhortation pour faire le bien, , est de citer un exemple. Etc.

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