Histoire des époux Sabourault déportés
Résistance en Ruffécois
Avec l'aimable autorisation d'Henri Gendreau "pour la survie de la mémoire", voici un extrait du livre "Ruffec et les Ruffécois dans la guerre, de 1938 à 1945" par Henri Gendreau et Michel Regeon aux éditions La Péruse. Et des compléments.
Raoul et Berthe Sabourault avant-guerre. Raoul Léandre Sabourault, maçon et agent d'assurances, né le 24 novembre 1900 à Bernac, est décédé en tant que déporté le 12 août 1944 au camp de Mauthausen - Sankt-Georgen-an-der-Gusen (Autriche), à l’âge de 43 ans. Il est le fils de Joseph Sabourault (né le 12 octobre 1870 à Saint-Macoux, 86 ; décédé le 24 juin 1955 à Villiers-le-Roux) et de Marie-Joséphine Binaud (Bineau) (née le 15 avril 1861 à Saint-Macoux, 86 ; décédée le 14 octobre 1929 à Villiers-le-Roux. Il a épousé le 18 août 1925, à Villiers-le-Roux, Berthe Celina Fays, coiffeuse, née le 8 juin 1904 à Villiers-le-Roux, décédée le 1er avril 1943 à Auchwitz en Pologne. De cette union sont issus deux enfants. - décédé le 2 août 1944, Raoul Léandre SABOURAULT, né le 24 novembre 1900 à Bernac (Charente), mort au camp de Güsen, commando de Mauthausen (Autriche) - J.O n° 22 du 27/01/1998 page 1259.
- décédée le 1er avril 1943, Berthe Célina SABOURAULT, née Fays le 8 juin 1904 à Villiers-le-Roux (Charente), déportée au camp d'Auschwitz (Pologne) par le convoi du 24 janvier 1943, morte au camp d'Auschwitz (Pologne), matricule F 31683. J.O n° 22 du 27/01/1998 page 1259.
Berthe Sabourault déportée.
La Résistance à Ruffec et dans le Ruffécois 1940-1942 : Autour de l'action des membres du Parti Communiste et sympathisants. Le parti communiste français (PCF) a été représenté à Ruffec dès sa fondation en 1921 par une cellule, elle-même créée par un certain Guinot, sabotier. René Moulignier, de la classe 17, qui vient d'être démobilisé après plusieurs années de guerre, en est l'un des premiers militants. Il est sabotier et marchand de bois, de noyer surtout, bois indispensable à la fabrication de sabots. En 1940, il devient responsable de la cellule ruffécoise du PCF. Dès le printemps de 1940, il entre en relation avec Madeleine et Gustave Normand de Germeville, près d'Aigre, qui deviendront un an plus tard des permanents du P.C.F. clandestin. Par leur intermédiaire, René Moulignier est chargé par les instances nationales du parti de participer tous les quinze jours avec d'autres militants à la distribution de tracts anti-nazis. Ces tracts lui sont apportés de Paris par des agents de liaison munis d'un «passe». Par exemple, il s'agit de la deuxième moitié d'une carte postale dont la première est déjà parvenue à René Moulignier. Un jour, il aide au déménagement, d'Angoulême à Bordeaux, d'un résistant responsable départemental, Georges Beyer (alias Simon), qui lui remet une machine à écrire. Simon parti, les contacts se poursuivent avec Octave et Maria Rabaté, premiers responsables du P.C.F. en Charente et Charente Maritime. - Georges Beyer. Pseudonyme dans la Résistance : Colonel Bernard. Né le 11 septembre 1905 à Paris (XVIIe arr.), mort en octobre 1976 ; ingénieur chimiste ; dirigeant communiste ; responsable du service de renseignement des FTP, le Service B ; membre du comité central du PCF (1945-1950) ; chargé des dossiers sensibles à la commission des cadres ; beau-frère de Charles Tillon qu’il contribua à compromettre lors de l’Affaire Marty-Tillon.
En 1941, dans le Ruffécois, existent d'autres volontaires qui organisent le combat contre les nazis. Ce sont Augustin Marchand, les époux Sabourault et Aristide Gentil de Villiers-le-Roux ; Albert Ayrault de Londigny ; Gilbert Banlier de Villiers-le-Roux également ; Fernand Gendronneau et Pierre Dupont de Saint-Martin-du-Clocher et Raoul Hédiart de Ruffec. René Moulignier transmet la machine à écrire (1) à Raoul Sabourault qui est maçon et agent d'assurances et à son épouse Berthe qui est coiffeuse. La fameuse machine à écrire était cachée dans une crèche d'écurie à chevaux aménagée spécialement... Elle fut sauvé par des lapins... Exhumée après les évènements, remise en état, elle a été utilisée jusqu'en 1984. Dimensions : longueur 43 cm, largeur 31 cm et hauteur 26 cm. Rouleau de frappe de 30 cm. Bicolore, tabulation, équipement stencil pour ronéo.
La ronéo qui aurait servi à dupliquer les documents (tracts, journal clandestin) n'a pas été retrouvée (at-elle existée ?). La duplication à l'alcool (ronéotype) est inspirée de l'hectographie, où une surface de gélatine sert de support encreur. En 1923, Wilhelm Ritzerfeld, créateur de la société allemande Ormig, eut l'idée d'utiliser directement le papier comme support encreur (wikipédia).
Utilisait-on un hectographe ou polygraphe, appareil destiné à reproduire un certain nombre de copies, soit d'un écrit quelconque, soit d'un dessin. Cet appareil, vendu dans le commerce sous des noms les plus divers, dans le genre de ceux-ci : multigraphe, autocopiste, polygraphe, etc, rencontre partout des emplois extrêmement variés. Voir ci-dessous :
Voici peut-être ci-dessus la technique employée par les résistants de Villiers-le-Roux pour dupliquer les documents. Maxime Marchand évoque une pierre (genre pierre à graver) mais avoue n'y rien connaitre.
En version catalogue...
Cette machine à écrire est une Underwood Standard 5 de 1929 fabriquée aux USA : Underwood Typewriter Co. New York. C'est la première machine de conception moderne et conventionnelle, avec déjà un ruban bi-colore avec la commande par levier sur le devant à droite au dessus du clavier, ainsi qu’une position stencil. Trois interlignes réglables, marges plus faciles à déplacer que sur les modèles précédents.Deux presse-cartes sont fixés directement sur le segment des barres. Tabulateur avec cinq cavaliers réglables, touche arrière, renversement du ruban automatique ou manuel. Débrayage du cylindre sur bouton gauche. Elle fût le prototype des machines «Standard» qui inondèrent le marché après 1920, comme exemple l’Hermès Std 1.
"Malgré une fouille minutieuse des lieux, qui dure trois jours, les policiers ne trouvent pas la machine à écrire, pas plus que les tracts et autres documents compromettants, soigneusement cachés dans une ancienne crèche transformée en cabane à lapins."
En fait, selon Maxime Marchand, plus proche voisin des Sabourault et adolescent à l'époque, la cache avait été creusée dans la crèche d'une ancienen écurie à chevaux, laquelle crèche était recouverte de planches sur lesquelles étaient installées des cages à lapins.
La «femme de ménage» de la famille Sabourault, Madeleine Labarde de Pioussay (79), reproduisait les tracts venus de Paris à l'aide de la machine à écrire, et tapait un journal clandestin. Un local en parpaings avait été aménagé dans une grange afin de permettre un travail discret, soustrait à la vue et à l'écoute (pour taire le bruit de frappe de la machine à écrire). "Mon père ne savait même pas que son voisin éditait un journal clandestin" confie Maxime.
Les tracts étaient multipliés au moyen d'une machine à ronéotyper (qui n'a aps été retrouvée). Après les arrestations, Madeleine Labarde "quand le temps était clair" est venu à travers champs et jardins jusqu'à la cachette pour voir si la machine avait été trouvée. Non ! les lapins pouvaient l'attester, ils avaient assuré bonne garde. Plus tard Auguste Marchand ira récupérer son contenu (machine à écrire et papiers divers HS) mais son fils Maxime ne se souvient pas d'une ronéo...
"Soit-disant qu'il y avait des armes mais on n'en a pas retrouvé" dit Maxime qui se souveint de la "descente" des policiers.
Cette machine à écrire, déjà très oxydée, remise en état par Maxime après guerre, sera conservée des années chez les Marchand où le père, Auguste, s'en servira jusqu'en 1984 (date de son décès).
Le travail de propagande anti-nazie peut donc maintenant s'organiser dans le cadre de l'activité du « Front National de Lutte pour l'Indépendance de la France », fondé par le P.C.F. dès juin 1941. Des évènements tragiques vont aboutir, en février 1942, au démantèlement de ce réseau. D'après le témoignage de René Moulignier lui-même, le dernier des agents de liaison venu à Ruffec est arrêté dans le train. Le «passe» est ainsi découvert, et les adresses des militants, arrachées sous la torture. Raoul Sabourault est né à Bernac le 24 novembre 1900. Son épouse Berthe Fays est originaire de Villiers, où elle est née le 8 juin 1904. Dès 1940, Raoul et Berthe Sabourault, en liaison avec Georges Beyer du Front National, acceptent d'organiser un groupe de membres du parti communiste et sympathisants anti-nazis. En même temps, ils reçoivent tracts et journaux et accueillent dans leur maison des responsables du Front comme par exemple Octave Rabate. En 1941, Raoul Sabourault se voit confier la mission d'organiser des groupes de francs tireurs partisans (F.T.P.F.). Le 21 février 1942, au matin, un homme se présente chez les époux Sabourault, et se dit envoyé par la direction du P.C. Il possède le «passe», sans doute une demi-page de catalogue. Malgré leur méfiance - l'homme est sale, mal rasé – les Sabourault l'accueillent, le nourrissent, lui font prendre un bain et Berthe qui est coiffeuse, le coiffe et le rase. L'inconnu quitte les lieux dans la journée, à destination d'Angoulême. Le 22 février, les brigades spéciales du commissaire David de Paris, renforcées par des policiers charentais au service du gouvernement de Vichy, viennent arrêter les époux Sabourault. Augustin Marchand est arrêté le lendemain (il était au salon de coiffure quand les policiers sont arrivés, venu se faire couper les cheveux), son frère Emile, le surlendemain.
Malgré une fouille minutieuse des lieux, qui dure trois jours, les policiers ne trouvent pas la machine à écrire, pas plus que les tracts et autres documents compromettants, soigneusement cachés dans une ancienne crèche transformée en cabane à lapins.
Au cours de la rafle, Raoul Hédiart est arrêté. Chez lui, les policiers découvrent une liste portant les noms d'une cinquantaine de personnes de la région de Ruffec, amis personnels, résistants, distributeurs de journaux clandestins et de tracts, futurs participants aux actions militaires. Sous les coups, Hédiart déclare que cette liste est celle de clients de la boucherie - la boucherie Mimaud - dans laquelle il travaille. Simultanément, René Moulignier est arrêté puis confronté avec Raoul Hédiart. A son tour, il est roué de coups; il a alors l'idée de dire que les noms de cette liste sont ceux de ses propres fournisseurs en bois. C'est la contradiction... Les coups redoublent et René Moulignier finit par avouer qu'il est le seul auteur de la liste ; les personnes en cause étant celles auxquelles, dit-il, il a fait parvenir de temps en temps par la poste des tracts et des journaux. Désormais, il ne reste plus aux policiers et aux gendarmes qu'à se rendre au domicile des «suspects»... Ceux-ci vont connaître des sorts différents. Gilbert Banlier se trouve à Villiers-le-Roux. Prévenu de l'arrestation des époux Sabourault, il hésite d'abord à s'enfuir pour ne pas les compromettre davantage. Cependant, lorsqu’il est informé des arrestations d'Hédiart et de Moulignier, il quitte cette fois son domicile et décide de passer avertir ses parents à Saint-Martin-du-Clocher. Lorsqu'il se présente à la maison paternelle, deux policiers sont déjà sur place. II ne doit son salut qu'à son courage et à son esprit de décision. En effet, pour leur échapper, il n'hésite pas à s’enfuir prestement par une porte de l'arrière de la maison donnant sur les bois d'alentour. Par la suite, Gilbert Banlier créera et dirigera un maquis dans la région de Pleuville, il deviendra capitaine de l'armée française. Il est en outre chevalier dans l'ordre de la Légion d'Honneur. Malheureusement, son père Henri Banlier, est arrêté en représailles, ainsi que d'autres résistants, à savoir : Albert Ayrault ; Pierre Dupont ; Fernand Gendronneau et Aristide Gentil. Ces arrestations se produisent à un moment crucial pour le mouvement de résistance du P.C.F. En effet, les communistes et sympathisants travaillent alors à l'organisation de groupes armés de francs tireurs et de saboteurs. Elles vont ruiner pour un temps le travail entrepris puisque les responsables au niveau départemental subissent le même sort, c'est-à-dire Octave Rabate, Gustave et Madeleine Normand. Que sont devenus les héros de cette tragédie ? - Berthe Sabourault, disparaît dans l'enfer d'Auschwitz Birkenau, le 1er avril 1943. - Raoul Sabourault, meurt le 2 août 1944, dans cet autre enfer qu'était Gusen, kommando de Mauthausen. Voici un extrait du décret en date du 26 juin 1956 publié au J.O. du 3 juillet 1956 portant sa nomination dans l'ordre de la Légion d'Honneur. «Article 1er : sont nommés dans l'ordre national de la Légion D'Honneur les militaires dont les noms suivent : au grade de chevalier à titre posthume - Sabourault Raoul, lieutenant, organisateur de la résistance à Ruffec (Charente) de 1940 à 1942, déploie de belles qualités de courage et de mépris total du danger. En octobre 1941, est chargé de l'organisation des FTPF en Charente. Il crée de nombreux groupes de choc qui effectuent les premières actions de guerre contre l'ennemi. Arrêté le 22 février 1942, il est déporté à Mauthausen et décède à Gusen le 2 août 1944...[.] Ces nominations comportent l'attribution de la Croix de Guerre avec palmes à titre posthume. Signé : le président du Conseil Guy Mollet, le Président de la République, René Coty, le ministre de la Défense Nationale, Bourges-Maunoury, le secrétaire d'Etat aux Forces Armées de Terre : Max Lejeune.» Par l'intermédiaire d'un visiteur à la prison de la Santé, où il était incarcéré, Raoul Sabourault peut clandestinement adresser cette courte lettre à sa famille. Elle constitue un ultime et noble témoignage de vie de Raoul Sabourault. «Chers parents. Je suis à la veille du départ. Peut-être pour demain ou bien après demain, mais en tout cas sous quelques jours. Naturellement, destination inconnue. Depuis sept mois que je suis considéré comme otage, je m'attends à tout, rien ne me surprendra. Le moral est excellent, jamais il ne flanchera ; et c'est en toute tranquillité que je prendrai connaissance des décisions qui me seront appliquées... Quelles qu'elles soient : le Grand Voyage ou la déportation. je les supporterai en vrai Français. Cependant d'après certains bruits, ce serait réellement pour là déportation . Sur cette dernière, il m'est absolument impossible de vous donner le plus petit renseignement. J'en ignore la destination, les buts et les conséquences. J'appartiens à une catégorie pour laquelle on applique le secret le plus absolu. J'ai reçu votre colis et la totalité de son contenu. Il en faudrait un par personne et par semaine, encore serions nous loin d'être des costauds. Néanmoins, ma santé est solide et j'ajoute même excellente. Selon des nouvelles clandestines venant de l'extérieur, Berthe se trouverait quelque part en Allemagne. Peut être vous serait-il possible, si la présente vous parvient, de lui donner de mes nouvelles. Chaque jour nous rapproche de la victoire et de la libération. Bonne santé et bons baisers à tous. J'embrasse paternellement celui que je n'oublie pas. Signé: Raoul.» - Henri Banlier est mort à Mauthausen le 19 mai 1943. - Raoul Hédiart est fusillé au Mont Valérien le 21 septembre 1942. - Gustave Normand, Pierre Dupont, Aristide Gentil sont également exécutés le 2 octobre 1943. Dans une autre lettre de Raoul Sabourault, jetée par la fenêtre de sa prison, on peut lire l'extrait suivant concernant la fin de Raoul Hédiart : «...Mon regretté ami et camarade Raoul a été admirable par sa conduite. Son attitude avant et en face de la mort se compare à celle des héros. Que son courage serve de vertu et d'exemple pour tous, et qu'il soit rendu hommage à sa mémoire.» - Madeleine Normand, à Auschwitz-Birkenau, est tuée à coups de matraque par une gardienne ou « stubova », le 22 février 1943 ; - Fernand Gendronneau, après de longues souffrances, libéré du Fort de Romainville, meurt peu de temps après son retour ; - Augustin Marchand, qu'aucune charge précise n'accuse est libéré. En réalité, il est responsable local du P.C. Il retrouve à son retour la fameuse machine à écrire. - Son frère Emile Marchand, est soupçonné d'être le président de la cellule locale du PC. Les policiers ont trouvé chez lui une liste qui est reconnue, après enquête, comme étant composée uniquement d'adhérents du syndicat de battage. Il est donc également libéré. - Albert Ayrault est emprisonné à la prison du Cherche-Midi pendant de longs mois. - Enfin, René Moulignier est d'abord enfermé à la prison de la Santé, où il reste les mains attachées derrière le dos durant quatre mois. Il est finalement déporté le 1er mai 1943 vers le terrible camp de Mauthausen. Libéré par les Américains, le 6 mai 1945, il retrouve les siens après trois ans de très dures souffrances. René Moulignier, décédé le 29 mars 1984, était chevalier de la Légion d'Honneur, titulaire de la médaille de la Résistance et de la Médaille Militaire. Son fils aîné Yves, nous fait part de ses pensées concernant le souvenir très émouvant qu'il garde de son père. «Dès mon plus jeune âge, j'ai entendu mon grand-père et mon père s'élever contre les idées du fascisme. Avec force, ils dénonçaient à chaque occasion sa montée en Italie, puis en Allemagne. Lorsque Mussolini, puis Hitler ont eu pris le pouvoir, des Italiens et des Allemands furent contraints de quitter leur pays - comme la famille Scarrazzati qui a habité la tuilerie de Verteuil et comme Walter Sterm, un anti-fasciste qui mourut par la suite dans les Brigades Internationales -, et sont venus se réfugier en France. Mon père les accueillait à leur arrivée à la gare, alors qu'ils étaient répartis en France par le P.C.F., tout comme les autres membres de son organisation. Je me souviens aussi que, durant la guerre d'Espagne, mon père a aidé à trouver de la nourriture et des armes pour les républicains. Lors de la débâcle de l'armée française, conscients des difficultés de l'avenir, mon père et ses camarades avaient récupéré des armes abandonnées et les avaient cachées en vue de combats futurs. A différentes reprises, mon père fut chargé de faire passer des résistants en zone libre. Un jour s'est présenté chez nous, avec son épouse, un homme de forte corpulence. Il possédait le « passe » de reconnaissance : c'était Benoît Frachon, secrétaire général de la C.G.T., interdite à cette époque. Mon père, avec sa camionnette, les a conduits dans la région de Cellefrouin où des résistants locaux ont assuré le passage clandestin. J’étais présent le 25 février 1942, au moment où la police secrète de Vichy l’a arrêté dans notre maison familiale, route d’Aigre. Vers onze heures, neufs policiers en civil ont cerné la maison, revolver au poing. Mon père arrêté, la maison a été entièrement fouillée. Pendant trois jours, à la mairie, puis à la gendarmerie, il a été interrogé et torturé comme Raoul Hédiart arrêté trois jours avant lui. Pendant sa détention à Paris, puis au camp de Mauthausen, nous n'avons eu que très peu de nouvelles. Il utilisait au camp la complicité d'un déporté espagnol qui, lui, avait le droit d'écrire. Par son intermédiaire, nous recevions quelques brèves informations envoyées à des adresses différentes. Nous avons toujours gardé l'espoir insensé de le revoir. A la fin de mai 1945, nous avons appris par la radio la libération, le 5 du même mois, du camp de Mauthausen. Le 25 mai, il retrouvait sa ville de Ruffec, après des années de souffrances. Pendant son horrible séjour, la solidarité humaine n'avait pas été complètement absente. A Paris, au péril de sa vie, un gardien allemand anti-fasciste lui apportait en cachette de la nourriture. A Mauthausen, un autre gardien s'est interposé alors qu'on allait le rouer de coups. Le jumelage entre Ruffec et Waldsee a été approuvé avec intérêt par mon père qui y voyait le moyen de rapprocher des peuples qui avaient tant souffert, et de trouver enfin le chemin de la paix et de l'amitié.» Dans le cadre de la Résistance organisée par le parti Communiste avec le Front National, il faut mentionner l'arrestation de patriotes de Courcôme, donc dans l'environnement immédiat de Ruffec. Michel, premier chef des FTP de la Charente, blessé et poursuivi par la police de Pétain, s'est réfugié chez Henri Cadier, artisan menuisier à Courcôme. C'est là qu'il est arrêté en décembre 1942. Le 20 février 1943, Henri (lire Hyppolite) Cadier est pris à son tour, et un peu plus tard deux de ses amis du réseau : Abel Imbert et Georges Bourdareau (lire Bordaraud). Ils sont déportés tous les trois. Seul Abel Imbert revient de Mauthausen. Quant à René Michel, il est fusillé le 5 mai 1943, au camp de la Braconne. On peut aussi consulter le livre de Raymond Tabourdeau : Carnet de route, résistance Mellois, Civraisis, Ruffécois, maquis Le Docteur, Maquis Jean-Paul. (1987).