Les loups (extrait de L'observateur de Ruffec du dimanche 22 mai 1932)
«Le 19 mai 1824, un enfant de quatorze mois fut dévoré par un loup, ou par une louve, dans la commune des Pins arrondissement de Confolens ; le 5 juin suivant, un enfant de trois ans, de la commune de Chasseneuil, a failli être victime d'une de ces bêtes féroces…
J'apprends qu'une louve (on croit que c'est le même animal qui a porté l'effroi aux Pins et à Chasseneuil) a, le 9 juillet, dévoré un petit garçon dans la commune de Saint-Mary. Cet enfant était âgé de sept ans. Les battues qui ont été faites n'ayant eu aucun résultat, je viens de promettre une récompense de cent francs à la personne qui capturerait ou m'apporterait cette louve, dont j'ai le signalement... J'apprends à l'instant que les huit petits de cette louve ont été pris par des paysans et des chasseurs de ce canton et je ne crois pas qu'il doive lui en rester encore.»
«Un évènement affreux a eu lieu dans les derniers jours de décembre (1824) à Javerzac, arrondissement de Cognac. Un loup furieux a mordu successivement deux enfants en bas âge, a attaqué aussi un jeune homme de 16 ans et une fille de 24 ans. Cette dernière a été horriblement mutilée. Elle a reçu de profondes morsures à la figure et au cou, et a eu une main presque entièrement dévorée. Les secours de l'art leur ont été prodigués sur le champ... Ce n'est que le 31 que M. le sous-préfet de Cognac a appris que cet animal dangereux venait d'être tué à coup de hache par un cultivateur de la commune de Boutiers, nommé Jean Barraud, qui lui même a été mordu à la main...»
«Un évènement affreux, qui aurait pu avoir les conséquences les plus désastreuses, vient de jeter l'épouvante dans la ville de Ruffec et les campagnes environnantes. Un loup, sorti inopinément d'une forêt voisine, a attaqué et horriblement mutilé deux femmes qui se retiraient du marché de cette ville pour se rendre dans leur commune : Les Adjots. Cette scène a eu lieu sur la grande route, à une heure de l'après midi. Mais à peu de distance, et tout auprès du village de Boisvert, cet animal furieux s'est élancé sur deux autres femmes et les a blessées grièvement. Poursuivi aussitôt par toute la population et la gendarmerie, il a été enfin atteint à six heures du soir auprès du hameau des Jarris, commune de Bernac, au moment où il venait de se ruer sur un troupeau et d'étrangler plusieurs cochons et brebis. Il a été tué par les nommés Dargant et Sureau, domiciliés dans le hameau, et qui, accourus chacun armé d'un fusil, faillirent être victime de leur dévouement. Le loup s'élança sur eux et il allait saisir le nommé Dargant, dont l'arme avait raté, lorsqu'il fut étendu à ses pieds et à bout portant par son compagnon. Ce fait étant attesté par M. le maire de Bernac, je viens d'accorder à chacun de ses administrés une gratification de 80 francs.
On ne pense pas que des chiens aient été mordus. Néanmoins il a été prescrit aux maires des trois communes, que ce loup a parcourues, de prendre les mesures de précautions usitées et qui puissent garantir cette contrée de nouveaux malheurs.
La plus âgée des deux femmes de la commune des Adjots, et qui avait été la plus maltraitée, est morte de ses blessures après des souffrances inouïes. La plus jeune souffre beaucoup, mais ses plaies, qui ont été cautérisées par un médecin appelé par M. le sous-préfet de Ruffec, n'ont encore rien d'alarmant.
Les deux femmes de la commune de Taizé se firent transporter aussitôt après l'évènement dans la ville de Confolens pour se faire traiter, et elles viennent de rentrer chez elles, après avoir subi un traitement dont on attend les effets.
Les blessures de ces trois infortunées sont graves et leurs moyens d'existence sont presque nuls. J'ai, en conséquence, l'honneur de solliciter en leur faveur de prompts secours de Votre Excellence. En attendant, je leur ai accordé ceux qui sont à ma disposition, des secours en aliments. Leurs noms sont Michelle Brothier de la commune des Adjots, Jeanne Chalifour-Hilger et Marie Mazarat-Vergnaud de la commune de Taizé.
«Le 27 septembre dernier (1828) ), j'ai eu l'honneur d'informer Votre Excellence des ravages occasionnés dans l'arrondissement de Ruffec, par un loup furieux. Des quatre femmes qui ont été mordues par cet animal, l'une, la nommée Ovin, de la commune des Adjots, n'a survécu que 48 heures à ses nombreuses blessures ; deux autres, les nommées Jeanne Hilger et Marie Vergnaud de Taizé-Aizie, sont mortes depuis peu de jours seulement, sans avoir manifesté de symptômes de rage. Dans la mort de ces trois femmes, on a à regretter trois mères de famille qui étaient, pour ainsi dire, l'unique soutien de leurs nombreux enfants, trop jeunes encore pour sentir l'étendue de la perte qu'ils ont faite. La triste position de ces malheureux enfants me fait un devoir de prier Votre Excellence de vouloir bien déverser sur eux les secours que j'avais sollicités en faveur de leurs mères. On espère que les blessures de la quatrième femme la nommée Michaud, de la commune des Adjots, n'auront pas de suites fâcheuses; son état s'améliore d'une manière sensible, et déjà même, elle a commencé à se livrer à de légers travaux.
Pour garantir ces contrées de nouveaux malheurs, j'ai invité M. le lieutenant de louveterie en résidence dans l'arrondissement de Ruffec, à faire de fréquentes battues dans les forêts de cet arrondissement. Lettres du Préfet de la Charente au ministre de l'intérieur,
Angoulême 22 juillet 1824, 3 janvier, 27 septembre et 25 octobre 1825
1853 : Depuis quelques années les loups se sont beaucoup multipliés en Charente. Les sangliers sont devenus rares mais les renards sont nombreux. Il y a peu de gibier. Les loutres sont fort communes ainsi que le blaireau. 1868 : C'est dans le département de la Haute-Vienne, de la Vienne et de la Charente que l'on trouve encore des loups en quantité appréciable ; les forêts sont nombreuses, surtout vers l'orient, et quelques unes sont considérables. Le chêne est l'essence qui y domine : parfois il y végète seul, plus souvent il est accompagné du hêtre; ailleurs le tremble, l'alisier, le frêne, l'orme, le cerisier, le charme et le cormier se mêlent à lui. Dans les forêts de la région limousine, c'est souvent le châtaignier qui végète sans mélange. Il y a environ cinquante ans, le cerf et le chevreuil se voyaient encore dans ces forêts ; ils ont depuis disparu. Le nombre des sangliers est aussi fort diminué ; mais en revanche les renards et les loups ne sont que trop nombreux, à tel point que de ISO!) à 1817, il a été tué dans le département 657 individus de l'espèce du loup. Les reptiles n'y sont point rares, notamment la vipère ordinaire (coluber berus), l'aspic (coluber aspis), la vipère noire (coluber presler). Le pays est suffisamment fourni de gibier. Le poisson abonde dans les rivières, et il est de qualité supérieure dans la partie orientale du département. On rencontre aussi des loutres au bord des rivières et des étangs.
Fourches à loups
Ci-dessu : fourches ou pics à loup : pour tuer le loup, faire fuir le loup, récupérer le mouton grâce à la boucle de certaines fourches.